Pourquoi la situation en Égypte
ne pouvait qu’exploser?

Beaucoup de jeunes prennent la parole, applaudis par d'autres jeunes. Une belle harmonie.

C'est bien beau tout cet enthousiasme qui me transporte depuis deux jours dans l'ancienne contrée des Pharaons, mais il faut aussi comprendre ce qu'il se passe ici depuis quelques années.


Aujourd'hui, j'avais du travail... à distance et un peu de préparation à faire pour le cours que je donne à Alexandrie à compter de dimanche. Je tenais quand même à retourner dans la rue et à analyser un peu plus ce qu'il se passait. Aussi, j'ai lu quelques articles que je vous recommande aussi... vous ne pensiez pas que j'allais vous faire travailler, n'est-ce pas? Note : sur le chandail, on peut lire, de droite à gauche : J'aime l'Égypte - Révolution de la jeunesse du 25 janvier.


Je ne sais pas ce qui est écrit, mais on sourit!
Le premier a été écrit par le Dr Nouh El Harmouzi, un enseignant-chercheur, éditeur du site arabophone de référence MinbarAlHurriyya.org. Il date du 4 février, un mois déjà... comme les choses se précipitent dans cette région en ce moment! C'est une analyse qui remonte jusqu'à l'assassinat de Sadate, en 1981, président qui a été remplacé par Hosni Moubarak.


Il fait le tour de la situation depuis 30 ans et démontre qu'en principe, avec les revenus du tourisme (5 milliards par an), des redevances des navires qui traversent le canal de Suez (3,3 milliards par an), la position stratégique du pays qui, depuis les accords du Camp David en 1979, reçoit beaucoup d'argent des U.S.A. (2,1 milliards par an, dont 1,3 pour l'aide militaire) puis, finalement les revenus des transferts de pétrole (1,2 milliards par an), le pays ne devrait pas être dans cet état, avec un taux de chômage de 30 % et 44 % de la population qui vit avec moins de 2 dollars par jour!


Alors, quelle sorte d'administration ce pays a-t-il subi depuis 30 ans? Mais surtout, il est où le «cash»? J'ai trouvé une réponse sur un autre blogue, Radical 8, dans cet article intitulé Hosni Moubarak ou l'égoïsme infini : avec une fortune de 40 à 70 milliards de dollars, le Raïs déchu est l'homme le plus (affreusement) riche du monde. C'est un titre qui en dit long, si je peux m'exprimer ainsi, autant en nombre de mots que de milliards!  Il coiffe un article paru dans The Gardian, journal assez sérieux pour être crédible, même avec un écart de 30 milliards dans l'évaluation... assez important, merci.


Alors je suis redescendu dans la rue et j'ai compris pourquoi ces 600 milles jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année en ont eu ras-le-bol de ce président et de sa famille qui ont tant volé le peuple! C'est l'espoir qui les anime, l'espoir qu'avec des élections démocratiques et des gouvernements moins corrompus (j'ai choisi «moins» au lieu de «pas» : quand je regarde chez nous, au Québec, malgré notre «belle démocratie» et ses scandales des dernières années, je ne me fais pas d'illusion), ils pourront peut-être enfin améliorer leur sort.


Aujourd'hui, je les ai regardé encore agiter leur drapeau. Non, ce n'était pas, comme je l'ai écrit hier, un défilé de la Coupe Stanley sur la rue Sainte-Catherine. C'est beaucoup plus grand, ça n'a aucune commune mesure... C'est la LIBÉRATION d'un peuple qui se vit ici. Dans la joie et la non-violence. Je n'ai pas vu de vitrines cassées comme à Montréal au coeur de la fête, quand des vandales s'en mêlent. Sur la Place El Tarhir (on peut aussi écrire Al Tahrir), je n'ai presque même pas senti de présence de la police ou de l'armée. C'est un peu le bordel, avec ces tentes improvisées de jeunes qui ne veulent plus quitter l'endroit, mais ça se fait ainsi dans la paix, depuis des semaines, à part le jour ou quelques idiots, payés par l'idiot en chef, ont chargé la foule pour montrer qui il était, ce grand dada qui a dû finalement démissionner.

Regardez-les sourire. N'est-ce pas une belle révolution?
À un moment, alors que je retournais vers l'hôtel, j'ai entendu une clameur. Plutôt que d'avoir peur, je suis revenu sur mes pas. Une manifestation spontanée de jeunes remontait la rue, se frayant un chemin entre les voitures et les étals des marchands, en criant, en chantant, mais sans rien casser. Je n'ai pas vu non plus aucun commerçants, sur les trottoirs ou dans les établissements,  remballer leurs produits au cas... C'est la fête vous dis-je! Étonnamment, les klaxons, toujours présents, ne semblaient pas être actionnés par des conducteurs impatients, mais par des gens qui soutiennent leurs jeunes. Et quand le flot de manifestants fut passé, les voitures ont continué leur chemin et les marchands à crier qu'ils offraient les plus beaux produits, par ici c'est à très bas prix...

Alors je circule tranquillement dans les rues du Caire, souriant à tous ces vendeurs à la recherche d'acheteurs de parfums et de papyrus ou de toutes sortes de trucs du quotidien, mais je regrette, tout ce que j'ai acheté aujourd'hui, ce sont des machins en rouge, blanc et noir. Je voulais repartir d'ici avec un morceau de la place, mais pas la boue par terre. Dans le fond, je voulais sans doute faire comme bien des gens présents à Berlin après la chute du mur, chercher à rapporter quelque chose de palpable de cet événement. Mais comme le disait si bien Antoine de Saint-Exupéry, L'essentiel est invisible pour les yeux. 

3 commentaires:

  1. Merçi Richard pour ce message d`espoir.Je sens dans vos paroles beaucoup d`émotion et de fierté our ce peuple longtemps affamé par ce Dictateur.Les jeunes font l`histoire et la révolution ,les vieux espèrent qu`ils la feront .Ils vivent d`espoir pour leurs enfants et leurs petits-enfants pour la liberté.Bon repos .Doriane

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  2. Super,
    Je suis tellement heureux pour tous ce pays qui ce libère et qui nous montre le possible de se libérer. Même ici, il y a tellement de statu a déboulonner..

    Peter B

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  3. Vous me rassurez sur l'humain. Ces jeunes sans violence, qui réclamment leur droits...Merci!
    Johanne Gaudreau

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