L'heure du bilan après dix ans de formation à l'Université Senghor

Vue de ma chambre à l'Hôtel Métropole, à Alexandrie.
Un autre voyage s’achève. Je suis en attente à l’aéroport du Caire, avec le sentiment du devoir accompli. J’aime ces expériences de formation à l’étranger. J’ai l’impression, au contact des gens de différentes cultures que je croise que je reçois autant que je donne. Un véritable partage.

Après toutes ces années dans le monde de la publicité, je connais bien toutes les facettes du plan marketing. Cela fait déjà plus de 40 ans que je réalise des concepts publicitaires et dès le début de ma carrière de travailleur autonome (à 18 ans), j’élaborais pour mes clients (la Ville de Brossard, Télécâble-Vidéotron et d’autres commerces de la Rive-Sud de Montréal) des stratégies marketing, médias et création. Cela fait aussi plus de 30 ans que j’enseigne la publicité à l’Université de Montréal.

En 1986, j’ai conçu une première affiche pour une cause : souligner les 25 ans d’Amnistie internationale. J’étais alors heureux d’utiliser mes connaissances en communication, non pas pour vendre un service ou un produit de consommation, mais une idée, une démarche sociétale, comme la nommait Jacques Bouchard, le père de la publicité québécoise. De fil en aiguille, j’ai travaillé sur des campagnes pour contrer le décrochage scolaire, favoriser le port de la ceinture de sécurité ou du casque à vélo, réduire la vitesse, condamner l’alcool au volant, prévenir les accidents de travail, dénoncer la violence faite aux femmes, protéger notre environnement… des changements de comportement!

Fort de toutes ces expériences, j’ai fondé il y a un peu plus de 20 ans,  Publici-Terre, une agence de communication virtuelle sans but lucratif, vouée aux causes humanitaires. En 2003, à l’invitation de Sylvain Desrochers, j’ai créé le cours Publicités sociétales humanitaires au Certificat en publicité, à l’Université de Montréal. C’est cette même formation que je donne à l’Université Senghor, à Alexandrie, depuis 2005, grâce à ma rencontre avec le Dr Christian Mésenge. J’arrive donc de mon dixième séjour en Égypte, mais je suis aussi également passé par Abidjan (Côte d’Ivoire), Bamako (Mali), Cayenne (Guyane française), Cotonou (Bénin), Kenscoff (Haïti), Le Moule (Guadeloupe) et Ouagadougou (Burkina Faso).

Prononçant une conférence en 2012 devant les directeurs, Christian Mésenge (Santé), Martin Yelkouni (Environnement) et Danièle Bordeleau (Gestion-Administration) et une soixantaine d'étudiants, sous l'œil attentif de Léopold Sédar Senghor, dans le cadre accroché derrière moi.
C’était ma sixième formation au Département Santé de l’Université Senghor. Les participants sont des médecins, des sages femmes, des pharmaciens, des professionnels de la santé ou de la nutrition. Ce «master» est donc offert à des adultes dont la moyenne d’âge oscille autour de 30 ans, avec une expérience de travail. Voilà pourquoi j’affirme que j’apprends aussi. En réalisant cette fois un plan marketing sur l’importance de se faire soigner dans des centres de santé (CDS) du village ou du quartier de différents pays d’Afrique de l’Ouest plutôt que de faire appel à la médecine traditionnelle, encore très populaire dans certaines régions, j’en connais ainsi davantage sur les us et coutumes de ces peuples séculaires. On trouve, par exemple, encore beaucoup de femmes qui accouchent à la maison, sans se faire suivre par le personnel de centres de santé.

Message en langue Éwé, langue maternelle des gens d'Hanygba
todji : Le dispensaire d'Hanygba todji - venez et revenez, encore
et toujours. Slogan : La clef de votre bonne santé.
L’organisme Urgence Afrique récolte donc des fonds afin de réaliser des projets de CDS dans des villages. Ensuite, il faut convaincre la population locale de s’y rendre pour s’y faire soigner, plutôt que se prodiguer soi-même des soins en utilisant souvent des médicaments de la rue, sans prescription. Beaucoup de morts sont liés à ces pratiques encore aujourd’hui. La morbidité infantile ou des mères qui donnent naissance à la maison est aussi élevée. Dans certains cas, la femme doit aussi demander à son époux ou à sa belle-mère si elle peut aller au CDS pour consulter, pour elle ou son enfant. Dire que ça a déjà été comme ça chez nous au siècle dernier. Ma grand-mère maternelle, mariée à un cultivateur, a eu au début du siècle dernier, 17 enfants à la maison, dont trois sont morts à la naissance…  Ma mère et quatre de ses sœurs, de la génération suivante, ont toutes accouché dans des hôpitaux, ayant entre 2 et 6 enfants, sans aucun mort.

Les étudiants ont donc été invités à réaliser un plan marketing pour un des six CDS soutenus financièrement par Urgence Afrique, en analysant les publics cibles primaires et secondaires, allant des femmes 15-34 ans à leur époux et les belles-mères, en passant par les chefs du village ou les chefs religieux. Comme la majorité d’entre elles sont analphabètes ou sont de langues maternelles autre que le français, il a fallu choisir des médias non traditionnels, comme des crieurs publics, du théâtre de rue, souvent joué sur la place du marché. Vous voyez ce que je veux dire quand j’affirme que je reçois tout autant que je donne! Ce sens pratique dans les communications locales de petits villages africains m’interpellent et m’amènent à songer à des nouveaux trucs dans mon environnement. Quand on y pense, ces médias de proximité africains fonctionnent comme les réseaux sociaux ici, c’est du bouche à oreille. Sauf que là-bas, ça ne se fait pas via des ordinateurs, des tablettes ou des téléphones, mais bien de personne à personne.

De très belles solutions ont été trouvées par ces professionnels de la santé qui n’avaient pourtant jamais fait de marketing. Mais comme ils sont dans un contexte de formation, dans une université éloignée de leur pays d’origine et qu’ils ne sont pas sollicités par autre chose que les cours qu’ils suivent ainsi pendant deux ans, ils sont disponibles, ils connaissent bien l’environnement, ils apprennent en quelques jours qu’est-ce qu’un tableau Forces-Faiblesses-Opportunités-Menaces, puis déterminent des cibles, des objectifs de communication et de marketing, un positionnement et un axe de communication en quelques jours, comme des pros! Ensuite, ils recommandent des façons de faire, rédigent les textes ou les scénarios, évaluent des coûts , proposent un échéancier… si bien que la plupart de ces projets seront envoyés à Urgence Afrique… sait-on jamais, plusieurs de ces plans marketing seront sans doute utiles.

J’oubliais. Tout cela se fait dans la joie. Travaux d’équipe, discussions constructives et présentations parfois très surprenantes, surtout quand on «joue» les scénarios proposés… Comme ces trois médecins, des pièces d’homme, qui nous ont interprété leur théâtre de rue mettant en scène une jeune femme éplorée qui crie sa douleur dans un marché, en accusant la sorcière qui a tenté de l’accoucher à la maison alors que sa voisine est bien portante, avec son enfant qu’elle berce doucement. Un drame malheureusement trop fréquent… mais comme on a ri en classe.

Pour en savoir plus sur une formation adaptée à votre problème, vous savez où me trouver, même quand je suis en Afrique!

Richard Leclerc
Concepteur-réalisateur

Causes? Toujours!

6 commentaires:

  1. Merci Professeur pour toutes ces connaissances immenses que vous nous avez appris avec une approche pédagogique exceptionnelle, simple et efficace développant des compétences et des pratiques que je dirai《naturelles》Bon voyage à vous et bien de choses en famille.

    RépondreSupprimer
  2. Merci Professeur pour ces connaissances que vous nous avez appris avec une approche pédagogique exceptionnelle, simple et efficace développant des capacités nouvelles. Nous avons beaucoup appris, mais nous demeureront toujours vos élèves afin de profiter d'avantage de vos immenses connaissances. Promotion 2015-2017 Département Santé Université Senghor d'Alexandrie.

    RépondreSupprimer
  3. Très émouvant ! Le souvenir de 2005 m'est encore présent dans l'esprit. Merci pour les enseignements. Que la génération présente en profite tout en espérant que le ruisseau continuera de couler.

    RépondreSupprimer
  4. Très émouvant ! Que les promotions actuelles et suivantes en bénéficient !

    RépondreSupprimer